• La forêt de longue attente.


    La forêt de longue attente est une forêt magique ou tout vit en paix.
    Les animaux ont fuit le monde des humains sanguinaires pour s'y refugier.
    On y trouve les arbres qui avalent les heurts.
    Dans la forêt de longue attente viennent tous ceux que le jour dérange, que la voix gêne, le coeur préssé de gros chagrins ou de plaies en tout genre.
    Seuls, debouts, désemparés.
    Attendre,attendre dans cette prison froissée, dans le gris vert d'un jour sale ou le froid de la vie cache même les étoiles.
    Gémissant,impuissants, ils s'assoient parfois contre le tronc de cet arbre doux et vert.
    Fermant les yeux ils s'endorment au pied de l'arbre qui avale les heurts.
    A leurs reveils ils n'étaient pas gueris mais quelques forces etaient là pour reprendre la route de la vie.
    L'arbre avait avalé leurs souffrances et leur disait:
    - va, il y a des étoiles sur les routes les plus dures , et tu trouveras la tienne.

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  • Sur toi.

    Juste parce que j'adore cette chanson de Zazie et que j'aurais adoré trouver ses mots.

    J'écris sur ce que j'endure
    Les petites morts, sur les blessures
    J'écris ma peur
    Mon manque d'amour
    J'écris du coeur
    Mais c'est toujours

    Sur ce que je n'ai pas pu dire
    Pas pu vivre, pas su retenir
    J'écris en vers
    Et contre tous
    C'est toujours l'enfer
    Qui me pousse

    A jeter l'encre sur le papier
    La faute sur ceux qui m'ont laissée
    Ecrire, c'est toujours reculer
    L'instant où tout s'est écroulé

    On n'écrit pas
    Sur ce qu'on aime
    Sur ce qui ne pose pas
    Problème
    Voilà pourquoi
    Je n'écris pas
    Sur toi
    Rassure-toi

    J'écris sur ce qui me blesse
    La liste des forces qu'il me reste
    Mes kilomètres de vie manquée
    De mal en prose, de vers brisés

    J'écris comme on miaule sous la lune
    Dans la nuit, je trempe ma plume
    J'écris l'abcès
    J'écris l'absent
    J'écris la pluie
    Pas le beau temps

    J'écris ce qui ne se dit pas
    Sur les murs, j'écris sur les toits
    Ecrire, c'est toujours revenir
    A ceux qui nous ont fait partir

    On n'écrit pas qu'on manque de rien
    Qu'on est heureux, que tout va bien
    Voilà pourquoi
    Je n'écris pas
    Sur toi
    Rassure-toi

    J'écris quand j'ai mal aux autres
    Quand ma peine ressemble à la votre
    Quand le monde me fait le gros dos
    Je lui fais porter le chapeau

    J'écris le blues indélébile
    Ça me paraît moins difficile
    De dire à tous plutôt qu'à un
    Et d'avoir le mot de la fin

    Il faut qu'elle soit partie déjà
    Pour écrire " ne me quitte pas "
    Qu'ils ne vivent plus sous le même toit
    Pour qu'il vienne lui dire qu'il s'en va

    On n'écrit pas la chance qu'on a
    Pas de chanson d'amour quand on en a
    Voilà pourquoi, mon amour
    Je n'écris rien
    Sur toi
    Rassure-toi

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  • Autour de la Lune

    May this tenderness cling
    When the fire of Spring
    Is a memory
    May you still be my own
    When a hundred years have flown

    (Love Me Tonight)

    Le King allongé sur un banc d’étoiles jaunes commençait son troisième tour de chant de la journée.
    Les phrases, les mots et les riffs des guitares étaient libérées puis absorbées instantanément par le vide.
    Le King ne semblait pas se rendre compte de cette brève tragédie, il continuait de sa voix suave à enchaîner sans la moindre fatigue ces plus beaux standards.
    Plaqué maintenant le long d’une surface opaque, Elvis se tenait légèrement de guingois, son légendaire déhanchement allait une fois de plus mettre en extase la foule de ses admiratrices quand dans un souffle il disparut de la scène jaune laissant à sa seule musique la mission de se frayer un chemin avec force et détermination dans le noir.

    Mère commanda la baisse générale du volume, la voix du King s’éteignit peu à peu pour être remplacé par les différents bruits des instruments de bord de l’habitacle, son protégé n’aimait pas entendre le rocker à son éveil.
    Mère enclencha le logiciel avec compte à rebours pour sortir Sam de son sommeil artificiel. Elle décida de tamisé la lumière et d’incliner légèrement la combinaison pour permettre à Sam d’admirer la lune sous son meilleur angle.
    Elle augmenta la température de l’air pulsé pour arriver à une chaleur ambiante acceptable pour un corps dont l’unique vêtement était un short noir.
    Enfin elle essaya de lui préparer dans le compartiment, caché au plus profond du siége, un petit déjeuné à base de croissants, brioches, café au lait et jus d’ananas.

    Le crane rasé au-dessus d’un visage imberbe commença à bouger. Les paupières se levèrent doucement pour s’arrêter à mi-parcours.
    L’effet de la drogue disparaîtrait au bout de quelques secondes.
    Un triste sourire lissa sa bouche légèrement ouverte, d’une main malhabile il frotta son nez épaté.
    Instinctivement il aspira une gorgé de liquide pâteux sans goût par le tuyau implanté dans sa lèvre inférieure.

    - Mère…

    - Oui Monsieur.

    - Pourquoi ce réveil? Tu te sens seul ? Tu t’ennuis de nos conversations des premiers jours dit Sam d’un ton amer.

    - Je me fais du souci pour vous Monsieur. Vous aurez de plus en plus de difficultés à revenir dans cette réalité. Les drogues injectées dans votre cerveau risquent d’en abîmer les tissus et d’altérer ainsi votre jugement.

    - En voilà une belle phrase pour m’annoncer ma prochaine folie. Je te remercie de toute l’attention que tu me portes mais…

    Sam ferma ses yeux et pris une profonde inspiration. Quand il recommença à parler de fines larmes roulaient le long de ses joues sans teint.

    - Tu as peut être oublié mais vois-tu la situation ne m’incite guère à rester auprès de toi Mère.

    - N’est-ce pas déjà de la folie d’être là assis sur ce fauteuil les jambes pendantes protégé du froid et des dangers de l’espace par ta seule combinaison de survie.

    - Pour toi un instant, pour moi des siècles.

    - Ma vie depuis neuf cent jours se réduit à observer la lune. Je sais tes efforts pour me présenter les mers que j’affectionne le plus mais crois-tu vraiment m’apaiser avec la mer de la tranquillité, me faire rêver avec la mer des nuées et peut être me redonner goût à la vie avec l’océan des orages. Pour toi de jolis noms, pour moi des taches sombres sur une lointaine surface morte.
    Sam leva ses mains vers son visage pour le recouvrir et d’une voix étouffée et suppliante, il repris son monologue.

    - O Mère, laisse moi retourner dans la douce quiétude des bras de Morphée et tu pourras ainsi t’occuper de moi pour toujours ainsi tu n’auras pas failli à ta mission.

    - Monsieur votre requête est inacceptable

    - Bien puisque tu le prends ainsi on est toujours mieux servi que par soi même dit Sam dans un souffle court.

    Et d’un mouvement précis et rapide Sam commença par retirer les sondes les plus proches de son cœur, la douleur fut féroce mais cela n’entama pas son ardeur d’automutilation.
    Ses mains prirent la direction de sa tête et …
    Zéro.
    Les mains de Sam suspendu au-dessus de lui entamèrent une lente descente vers son corps inerte.
    Sa tête dont les yeux étaient de nouveaux fermés repris sa position initiale.
    Mère satisfaite de son juste calcul décida d’entrer de nouveaux paramètres dans son logiciel pour éviter de nouvelles surprises.
    Il avait raté de peu son geste destructeur et elle ne voulait pas un autre incident.
    Il avait raison sur un seul point, Mère regrettait effectivement leurs conversations des premiers jours.
    Non il n’était pas dans l’espace depuis neuf cent jours mais depuis plus de dix ans. Elle le sortait de temps en temps de sa profonde léthargie pour entendre quelques instants le son de sa voix.

    Elle remis les sondes arrachées avec son court bras mécanique et nettoya le sang sur le torse de son hôte.
    Plongeant de nouveau Sam dans le noir de l’oubli, Mère décida de rappeler pour son plus grand plaisir son chanteur favori.
    Puis, elle se laissa dériver sur les ailes fabuleuses des chansons sortant de la bouche ouverte de Sam
    Le King dans un dernier déplacement s’installa dans la cabine et put enfin rejoindre une orbite faîte d’étoiles, de charmes et de poussières.

    I'll confess to you
    If I knew that our love would be gone
    With the stars in the dawn's grey light
    I'd still hold you close and whisper
    Love me tonight.

    (Ecrit par Don Robertson et enregistrée par Elvis Presley le 27 mai 1963)



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  • Tanabata 七夕


    Le 7 juillet n’est pas un jour ordinaire au Japon, ce jour là on fête Tananata.

    Selon une légende, l’empereur céleste avait sept filles. La plus jeune, experte en tissage, était appelée la Tisserande (Shokujo ou Ori Hime 織姫). Assise chaque jour devant son métier elle tissait le ciel étoilé. Chaque jour l’arrangement du Ciel était un de ses chefs-d’oeuvre.

    Un jour, la princesse, qui s’ennuyait au Ciel descendit se promener sur terre. Là elle rencontra un jeune vacher que tout le monde surnommait le Bouvier Hikoboshi (彦星). Ils tombèrent immédiatement amoureux l’un de l’autre. Insatisfaite de sa vie solitaire au Ciel et de la surveillance sévère de son père, la Tisserande rêvait d’un amour passionné, d’un avenir heureux et d’une vie paisible. Elle décida donc de rester sur terre auprès de son compagnon le Bouvier. Ils formèrent alors un couple inséparable. L’homme travaillait aux champs et la femme tissait... Quelques années passèrent ; de leur amour un garçon puis une petite fille naquirent.

    Mais bientôt l’empereur céleste, mis au courant de la nouvelle vie de sa fille, entra dans une colère violente et envoya un génie chercher sa fille pour la ramener au Ciel. Séparée de son mari et de ses enfants, la princesse se mit à pleurer de douleur. Constatant la disparition de sa bien aimée, le Bouvier plaça ses enfants dans deux paniers aux deux bouts d’une planche et partit à sa recherche. Mais au moment où il s’apprêtait à rattraper son épouse captive d’un génie céleste, la femme de l’Empereur apparut et fit naître d’un geste de la main une rivière large, profonde et aux eaux tumultueuses qui stoppa l’avancée du Bouvier.

    Très affligé, ce dernier ne voulut pas quitter le bord de la rivière. Et sur la rive opposée, la Tisserande ne cessait pas de verser des larmes, restant sourde aux injonctions répétées de son père de reprendre son travail de tissage céleste. Devant tant d’obstination, l’empereur fit une concession : il permit à sa fille de retrouver son amant une fois l’an.

    Depuis, chaque année, le septième jour du septième mois du calendrier lunaire, les pies célestes forment une passerelle provisoire au-dessus de la Voie Lactée (Ama no gawa), sur laquelle les amants stellaires : Véga (la Tisserande) et Altaïr (le Bouvier), renouvellent leur serment d’amour. On dit qu’à l’aube de ce jour, il bruine souvent ; ce sont les larmes de la princesse Véga qui, serrant ses enfants contre elle et tenant tendrement la main de son mari, pleure tristement. Leur séparation tragique émut tout le monde et attira la sympathie de chacun. C’est pourquoi, chaque année, le septième jour du septième mois du calendrier lunaire, beaucoup de gens restent veiller dehors pour contempler longuement dans le ciel les deux constellations Véga et Altaïr qui, ce jour-là, semblent se rapprocher au-dessus de la Voie Lactée.

    C'est pour ça que ce jour là on attache un tanzaku (bande de papier) ou on écrit un voeu. On dit que Orihime et Hikoboshi feront que ces voeux deviendront réalité. Vers minuit ou le jour suivant, les bambous qui a ont été décorés sont jetés dans un fleuve ou brûlés pour que les voeux se réalisent et toutes les jeunes filles espèrent trouver un amoureux aussi fidèle et aimant que le bouvier...



    Ce qui suit est, dans sa traduction française, le poème qui évoque cette légende, dans le Manyôshû, la première compilation de poèmes réalisée à la période de Nara (710 - 784). Elle a été réunie par Ôtomo no Yakamochi vers 759 ou 760; elle comprend 4 516 poèmes.


    Le Bouvier
    Et la Fileuse
    Se font face sur la rivière
    Lisse comme une fine natte
    Depuis le temps où sont séparés
    Le ciel et la terre.
    Leur amour
    Ne connaît pas de repos
    Leurs lamentations
    Ne leur laissent pas de répit,
    Par les flots bleus
    Leurs désirs sont réduits à néant,
    Dans les nuages blancs
    Leurs larmes sont taries.
    En cette situation
    Ils ne peuvent que soupirer.
    En dépit de tout
    Ils s’aiment l’un l’autre.
    Que n’a-t-il une petite barque
    Peinte en rouge,
    Que n’a t-il des avirons
    Garnis de gemmes
    Pour traverser
    Quand vient le matin,
    Pour ramer vers elle
    Avec la marée du soir ?
    Au bord de la Voie lactée
    Eternelle
    Elle étendrait son écharpe
    Qui vole à travers le ciel.
    Les beaux bras
    Aux beaux bras se mêleraient,
    Que de nombreuses nuits
    Ils voudraient dormir ensemble
    Même quand ce n’est pas l’automne.

    Man.VIII ; 1520


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  • La fable de l'aveugle



    Il ne voyait rien. Rien qu’une insondable nuit. Coupé du monde, il en pleurait.
    Longtemps.
    Puis, pour appréhender le monde, le comprendre, le voir, il se mit à le photographier.

    Il photographiait de ci, de là. Il photographiait souvent, au hasard des odeurs et des sons qui se présentaient à lui.

    Le monde l’apprit, et l’on vint voir ses photos. Certains les aimèrent et d’autres ne les aimèrent pas. On le flattait. Il en était fier.
    Ses photographies étaient tout pour lui. Elles représentaient le monde, son monde. Celui extérieur qui l’entourait, mais aussi l’intérieur qui l’habitait. Grâce à elles, il exposait à tous ce qu’il en voyait, lui qui ne voyait rien.

    Parmi ses photos, certaines étaient étranges, d’autres banales. Certaines même étaient si banales qu’elles en étaient étranges, et d’autres étrangement banales.

    Sa réputation grandissait, au point qu’un jour de grands hommes vinrent le voir, des hommes importants. Penchés sur les photos ils dissertèrent longtemps. « Bonnes à jeter » grommelait l’un, « concept révolutionnaire ! » s’exclamait l’autre, tandis qu’un troisième soutenait que le flou dans la représentation chromique était en parfaite adéquation avec la conception de la post-phénoménologie américaine. Il devait avoir raison puisqu’il portait une cravate.
    Les grands hommes regardèrent toutes les photos et les commentèrent longuement. Durant trois jours et trois nuits, ils analysèrent les compositions de lumière, leur portée artistique, philosophique ou ontologique. Inlassablement ils posaient la même question. Qu’étaient ces photos ? Génie ou charlatanisme ?

    Pendant tout ce temps, l’aveugle se taisait. Si d’aventure on lui posait une question, il était bien en peine de répondre. Mais les grands hommes n’aimaient pas les réponses, ils n’aimaient que leurs questions.
    Quand ils partirent, il se retrouva seul et pleura. Ses photos, ses chères photos, lui seul n’avait pas pu les voir.

    Nous, nous ne sommes pas des grands hommes. Nous sommes tout à fait ignorants. Je m’interroge simplement. Ces photos, étaient-elles vraiment la perception de l’aveugle ou celle de son appareil ?
    Etrange paradoxe : l’aveugle ne peut pas voir le monde, l’appareil non plus. La photo échappe au photographe, elle vient d’ailleurs, et d’où ?

    L’écrivain est, je crois, terriblement proche de ce photographe aveugle. Il écrit un monde qu’il ne comprend pas, il use de mots dont il ne perçoit pas la portée, et le résultat est donné à voir à tous. Chacun y lit ce que bon lui semble, et voit dans ses textes des choses que l’écrivain ne pourra jamais y lire…

    Mais la vraie question est sans doute celle-ci : A la place de l’aveugle, faut-il pleurer ou se réjouir ?

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