• Confidences à Allah de Saphia Azzeddine

    Je viens de finir "Confidences à Allah" de Saphia Azzeddine, en prévision des spectacles que je vais aller voir pendant le festival d'Avignon. La pièce mise en scène par Gerad Gelas du théatre du Chêne noir est un véritable ovni et occupe tous les papotages de la cité des papes. Enfin c'est surtout la merveilleuse Alice Belaïdi qui s'est appropriée le rôle de Jbara qui illumine les planches. Devant autant de critiques émmerveillées ma curiosité a bien sur été titillée mais vu que le spectacle se joue au petit théatre Montparnasse sur Paris en ce moment, j'ai fait patienter mon envie avec le livre.

    Je voulais en faire un résumé mais je viens de lire un trés bel article dans le nouvel obs qui le fera mieux que moi: (Vous pouvez le lire en intergralité )

    "Ca lui fait une belle jambe, à sa Jbara, d’être belle, puisquelle ne le sait pas et qu’on ne dit pas ces choses là chez elle, c'est-à-dire dans le trou du cul du monde, à Tafaflit, où ell est née. Son père la trouve travailleuse : il a raison. Si l’on excepte une petite faiblesse : elle aime de délicieux yaourts à la grenadine. Les Raïbi Jamila. Elle a 16 ans, pour en obtenir, elle se donne en cachette à Miloud, un berger cradingue comme les autres qui habite à une cinquantaine de kilomètres de là. « Lui il gémit comme un porc. Il a vraiment l’air idiot. Heureusement, il est derrière, je ne le vois pas trop. Sauf un jour, je me suis retournée. » Elle a eu un fou rire en le voyant. Mais « il a continué à me baiser comme un chameau en transpirant des couilles ».

    Pas question d’y éprouver du plaisir : elle n’est pas là pur ça, mais pour son Raïbi Jmaila. Quand il termine, « j’ai comme du lait tourné qui coule entre mes cuisses. Après, ça sèche entre mes poils, c’est désagréable. Je ne sais pas qu’on dit du sperme. » Tandis que le lait tourné, elle connaît. Et elle précise : « Je ne vais pas mettre de la poésie là où il n’y en a pas. Je vous dis que je suis pauvre. La misère, ça pue du cul. Et le cul de Miloud, il n’a jamais connu l’eau. »

    Un jour une valise rose tombe du car de Belsouss qui passe tous les jours sans s’arrêter. Jbara la barbote. Dans elle trouve tout un attirail de petites tenues affriolantes pour touriste américaine friquée : des trucs de pute pour une petite sauvageonne marocaine. Et quelques gros billets. Merci Allah. Elle est enceinte et ne parvient pas à le dissimuler : elle vomit trop. Quand son père, ce con, l’aura bien battue et chassée, parce qu’elle est une traînée, une fille du diable, une pécheresse, elle sautera dans le car pour la ville, pour se retrouver, moyennant une gâterie au serveur, qui pue lui aussi, femme de ménage dans un bouiboui. Et quand elle se fait avorter seule sur un terrain vague et qu’elle abandonne son enfant à peine sorti de son ventre, pas un mot à Allah : il sait, Lui qui sait tout, qu’elle ne peut pas faire autrement. Beaucoup d’humains ne pardonneraient pas cet assassinat silencieux. Lui, il peu. Parce qu’il sait à quel point elle souffre.

    Une chambre pour dix fellations par mois : Jbara améliore bientôt son ordinaire en allant parfois faire une passe dans une maison du souk. Elle s’y rend voilée de son lizar, le drap qui couvre tout entières les femmes dans la rue. Dessous, elle est libre. Même d e porter des strings de couleur. Merci Allah. De là, la voila bonne à tout faire dans une bonne famille du cru, où le fils aîné abuse évidemment d’elle..."


    On pourrait penser que ce livre est une critique un peu facile de la socièté marocaine mais loin de là. Il raconte "l'histoire" de Jbara petite bergère, pas l'histoire "des" bergères mais juste la sienne, avec ses révoltes et sa soif de liverté, et Allah qui est son unique confident. Rien d'irrespectueux malgré le langage cru mais beaucoup de sincérité et d'amour, beaucoup de vérités non voilées, qu'on voudrait bien ignorer pour ne pas casser la bonne morale mais qui hélas existent. Et puis beaucoup de tendresse, un regard parfois naïf mais incisif, des choix de survie, enfin une jeune femme vraie et sans détour.

    Ce livre est fait pour le théatre et je suis impatiente de voir vivre Jbara.


  • Commentaires

    1
    jano
    Samedi 8 Août 2009 à 16:27
    Allez vite voir "Confidences à Allah" c'est un grand texte ,une grande comédienne ...
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    2
    O-Ren-Kimi Profil de O-Ren-Kimi
    Samedi 5 Septembre 2009 à 23:43
    J'ai vu Confidences à Allah finalement et effectivement c'est un trés grand moment fort d'émotions. Alice Belaïdi est tous simplement somptueuse et donne encore plus de force à Jbara. Par moment j'en avait le souple coupé!
    Cette pièce m'a réellement bouleversé et c'est de loin la meilleure que j'ai vu cet été.
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